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Bouillons alimentaires : Quand appétit rime avec maladies

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Bouillons alimentaires : Quand appétit rime avec maladies

Les bouillons sont aujourd’hui devenus incontournables dans la plupart des restaurants de la capitale. Ces bouillons culinaires sont pourtant néfastes pour la santé. Ils peuvent causer des maladies telles que l’insuffisance rénale et l’hypertension artérielle en   raison de leur forte teneur en sel. Si cette information n’est pas nouvelle pour certains, elle reste difficile à admettre pour beaucoup.

Aby prépare le repas dans l’un des plus grands restaurants implantés partout à Dakar. Elle sert le repas chaque jour à ses clients. Elle le fait depuis bientôt dix ans. En ce lundi ensoleillé, les habitants de la Médina vaquent à leurs occupations. Du Mafé au menu du jour. D’ailleurs, La sauce est bientôt finie. Interrogée sur les bouillons qu’elle utilise pour l’assaisonnement, Aby n’a pas voulu se prononcer.

Non loin de là, une porte donne sur une grande avenue. L’affiche montre bien que c’est un restaurant. Chez Astou. Un petit tableau qui tient à peine debout montre le menu du jour. A l’intérieur Astou et ses amies discutent. « Il n’y a pas une once de ces produits dans ma cuisine » argue-t-elle à la question à savoir si elle utilise les bouillons dans sa cuisine. Abdou est un client habituel. Ce chauffeur de profession dit avoir « arrêter de consommer ces produits alimentaires depuis bientôt vingt ans ». Il vient déguster son Thiébou Dienn (Riz au poisson) tous les jours parce que Fatou « n’utilise pas les bouillons dans sa cuisine ». « On n’ignore complètement tous les ingrédients utilisés pour fabriquer ces bouillons » lance-t-elle.

Mamy est aussi une vendeuse de repas mais elle a pour principaux clients les étudiants. Le bruit de ces ustensiles de cuisine se mêlent avec l’ambiance habituelle du campus social de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar. Les bouillons « j’en utilise » avoue-t-elle mais « j’en mets très peu parce que j’assaisonne mes plats avec du poisson séché ». Aujourd’hui, « je ne crois pas à ceux qui disent qu’elles n’utilisent pas ces bouillons, quoi qu’on puisse dire c’est ce qui relève le goût de nos différents plats » confie Mamy. Etudiant en département d’histoire Babacar dit ne pas avoir le choix. « Il faut que je mange et il n’y a que cette cuisine presque dans tout le campus » estime-t-il.

Tueurs silencieux

La consommation excessive de sel par les ménages est la principale cause de certaines maladies et les professionnels de la santé mettent en cause l’usage abusif en cuisine des nombreux bouillons aux goûts variés et aux nombreux méfaits sur la santé. Beaucoup de marques de bouillons alimentaires sont utilisés au Sénégal par les femmes pour relever le goût de leurs sauces et donner plus de saveur à leurs plats.

Ces bouillons alimentaires sont malheureusement « des tueurs silencieux », de l’avis des médecins. Ils réduisent considérablement l’espérance de vie. Ainsi, le docteur Abdou Niang, néphrologue, chef du service de néphrologie du Centre hospitalier national Dalal Jamm de Guédiawaye, dans la banlieue de Dakar, tient à alerter l’opinion publique. Selon ce professeur de médecine, « il faut limiter la quantité de sel utilisé dans la cuisine et éradiquer définitivement l’utilisation des bouillons alimentaires ».

Beaucoup de consommateurs s’interrogent sur les composants de ces bouillons. « Parfois les gens qui travaillent dans les usines nous mettent en garde. Ils disent que si nous connaissions les composants de ces bouillons, nous n’allons plus en consommer » alerte Moustapha Diagne. Les entreprises qui commercialisent ces produits ne communiquent pas sur les éléments utilisés pour fabriquer ces produits. Ces préparations sont obtenues à base de « chlorure de sodium, de protéines, matières grasses, d’épices, d’arome, exhausteur de goût, et bien d’autres produits ayant pour action principale d’améliorer la sapidité des aliments » liste Dr Mamadou Ba, endocrino-diabétologue au CHN de Pikine.

Le Thiébou Dieun, le Mafé, le Domoda, et bien d’autres de ces plats traditionnels de la cuisine sénégalaise ont aujourd’hui un goût bien différent de celui qu’ils avaient autrefois.

Pour ajouter du « piquant » à leur assiette, les femmes expérimentent ainsi toutes sortes de nouveaux ingrédients issus de laboratoires. Et dans ces bouillons, il se trouve un ensemble de condiments, dont des exhausteurs de goût potentiellement cancérigène s’ils sont consommés à haute dose, et qui sont, par ailleurs, sans aucun apport nutritif. Leur unique « mérite » est d’ajouter encore plus de sel et de calories au contenu de la marmite.

Au Sénégal, selon l’OMS, 6.000 nouveaux cas d’insuffisants rénaux sont comptés chaque année. Le taux de prévalence de l’hypertension artérielle est de 29,8% chez les personnes âgées de 18 à 68 ans. La mortalité liée aux maladies non transmissibles est estimée à 41%.

La cuisine d’hier, la cuisine d’aujourd’hui

Les temps où les ménagères remplissaient leur panier sans avoir recours à ces cubes de bouillon alimentaire est aujourd’hui révolu.

La crise économique a, semble-t-il, atteint de nombreuses bourses. Les Sénégalaises doivent, au risque d’exposer leur famille à des maladies, user de stratagèmes pour donner du goût à leurs plats, et en même temps, faire des économies. Les denrées sont chères, aussi face à un bouillon en cube saveur poisson peu cher, le choix est vite fait.

Une étude menée par l’agence d’entreprise des Pays-Bas a répertorié plus de cinquante marques de bouillons au Sénégal. Selon cette étude, le sénégalais est le premier consommateur au monde du bouillon. Codou Thiam est grossiste, elle estime pouvoir « vendre plus de 300 cartons par jour, tous les bouillons confondus ». C’est un marché concurrentiel, où le client est roi.

« C’est un problème de société qui se pose. La structure du budget n’est plus la même. Les repas sont fractionnés, Les charges énormes et le coût de la vie très élevé », rappelle Salimata Wade, responsable de la « Compagnie du bien manger », une association dont les militants sont un comité de professionnels de la santé, de nutritionnistes et de diététiciens.

Selon cette universitaire, « à cause d’une alimentation très riche en sel, la prévalence de l’hypertension est en hausse. Même les jeunes sont hypertendus », rappelle-t-elle.

« Avant, nos mamans achetaient de la viande, des tomates fraîches, des légumes frais pour préparer de bons plats. Ce n’est pas par plaisir que les femmes font recours aux bouillons alimentaires, mais elles y sont obligées pour donner un semblant de goût à leurs plats », poursuit-t-elle.

Avec le maigre budget dont elles disposent, il est pratiquement impossible aux femmes de préparer un bon “Thiébou Dieun” (un riz au poisson) pour une quinzaine de personne.

Le “yaboye” (allache ou sardinelle ronde) qui était acheté à 50 francs CFA, est aujourd’hui vendu à 300 voire 500 francs CFA, le kilo de Kéthiakh (du poisson fumé) est vendu à 1.200 francs CFA, tandis que le kilo de tomates fraîches est vendu à 600 francs CFA.

« Les femmes n’ont donc pas d’autres alternatives que les bouillons alimentaires », explique Salimata Wade.

C’est donc la nécessité qui pousse de nombreuses maîtresses de maison de débourser 200 francs CFA pour acheter ces bouillons alimentaires qui donnent une illusion de goût, même si le contrecoup sur la santé peut se révéler parfois dévastateur. 

Aussi, Salimata Wade propose une solution radicale aux problèmes de santé causés par ces additifs qui ont désormais inondé les marchés du Sénégal.

« L’instauration de la journée continue poussent les travailleurs manger dehors, mais les Sénégalais doivent aujourd’hui faire l’effort de retourner au repas commun en famille », explique-t-elle. Un repas sain, certes nécessaire pour préserver sa santé. Oui, mais : les contraintes de la vie moderne et du salariat le permettront-ils réellement ?

Mamadou Oumar Ba

Journaliste Xewxew.

 

 

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