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Ayoub El-Khazzani a assuré qu’il n’entendait pas commettre une tuerie de masse, mais qu’il visait des soldats américains et la Commission européenne. Une version mise à mal.

Par Soren Seelow Publié le 26 novembre 2020 à 05h58 – Mis à jour le 26 novembre 2020 à 09h59

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A gauche, Ayoub El-Khazzani, à côté de ses trois co-accusés : Bilal Chatra, Redouane El Amrani Ezzerrifi et Mohamed Bakkali.

Ayoub El-Khazzani ne se pose pas beaucoup de questions, et sa mémoire a des lacunes. « Je ne me souviens pas », « Abaaoud m’a dit », « je n’ai pas demandé », « un trou noir »… Dans les interstices de ses souvenirs, l’assaillant de l’attentat du Thalys, qui a fait deux blessés le 21 août 2015, a développé, mercredi 25 novembre devant la cour d’assises spéciale de Paris, sa version des faits : il ne comptait pas tuer aveuglément « les civils » présents dans le train qui reliait Amsterdam à Paris, mais « des soldats américains » et des membres de « la Commission européenne », en réponse aux bombardements de la coalition internationale en Syrie.

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Sa ligne de défense, qui souffre de nombreuses incohérences, a sérieusement vacillé, mercredi, au huitième jour de son procès. Face aux questions de la cour restées sans réponse, El-Khazzani a incarné, jusqu’à la caricature, le profil du terroriste sous emprise, vide de pensée, « hypnotisé », dit-il, par son commanditaire : Abdelhamid Abaaoud. Durant l’instruction, il avait résumé d’une formule son recrutement en Syrie par le futur chef opérationnel des attentats du 13-Novembre : « Je lui ai dit que j’étais prêt à mourir, qu’il devait me considérer comme un objet. »

Après sa brève formation en Syrie, El-Khazzani emprunte la route des Balkans avec Abaaoud jusqu’à Bruxelles, où les deux hommes se retrouvent le 7 août 2015. La semaine du 17, un certain « Abou Walid » apporte un sac rempli d’armes dans l’appartement. Le jeudi, croit-il se souvenir, Abaaoud lui désigne sa cible : le train Thalys qui part le lendemain à 17 h 16. En 1re classe se trouveraient entre trois et cinq soldats américains et des membres de la Commission européenne.

« C’était un combat dans mon âme »

« Une fois à bord, j’ai commencé à chercher les gens dont Abaaoud m’avait parlé. C’était pour les tuer, honnêtement. Mais il y avait des femmes, des gens âgés… J’ai hésité. Puis j’ai vu les soldats américains. J’ai pris la décision d’attaquer seulement les militaires », explique le djihadiste marocain. Il se rend dans les toilettes pour écouter un chant religieux – « comme me l’avait demandé Abaaoud » – et préparer ses armes. « J’étais dans un état que je ne peux décrire. Comme si j’allais me précipiter du haut d’une falaise. Je tremblais, je suffoquais. J’allais tuer. C’était un combat dans mon âme. »

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