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Politique

Une enième conférence humanitaire pour le pays du Cèdre (Pierre Boubane) – YerimPost

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Depuis la fin de la guerre civile (1975-1990) le Liban bénéficie d’une grande attention de la communauté internationale avec à la tête, la France. Quatre mois après l’explosion du port de Beyrouth survenue, le 4 août dernier, Emmanuel Macron et le Secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres ont coprésidé, le mercredi 2 décembre une visioconférence internationale de « soutien à la population libanaise ». Des chefs d’État, des organisations internationales, des bailleurs de fonds multilatéraux, des ONG et des représentants de la société civile libanaise, ont été conviés. 

L’objectif de cette visioconférence est de collecter des fonds pour venir en aide à la population libanaise. Une aide humanitaire indirecte via des organisations non-gouvernementales et non via les autorités libanaises qui se sont discréditées auprès de la population à cause de la corruption. Les hommes politiques libanais se sont aussi discrédités auprès de la communauté internationale en raison de l’absence de progrès sur le plan des réformes. La réunion organisée le 9 août, seulement cinq jours après l’explosion du 4 août, avait permis de mobiliser pour le Liban une aide d’urgence de 250 millions d’euros. L’argent a servi à financer la reconstruction des maisons à Beyrouth. Il a aussi servi à loger des sans-abris et à nourrir des sinistrés à travers la distribution des tickets de repas quotidien. Le président Macron a tiré mercredi soir un bilan positif de l’utilisation de cet argent. 

Des conférences de soutien au Liban, il y en a eu plusieurs : PARIS I, II, III, IV. Chacune fut accompagnée de conditions visant à obliger les autorités politiques libanaises à respecter un cahier de charges. La conférence CEDRE Paris III s’est tenue en janvier 2007, suite à l’offensive militaire israélienne contre le Liban à l’été 2006. Elle avait permis de financer à hauteur de 7.6 milliards de dollars un programme d’assistance au Liban notamment dans le domaine de la reconstruction post-guerre. Son bilan a largement été critiqué en raison de l’absence de budget public ouvrant la voie à une dilapidation des fonds gérés par l’État. La conférence CEDRE PARIS IV a eu lieu le 6 avril à Paris 2018. Elle regroupait quelques 50 Pays et organisations internationales. Il s’agissait d’aider le Liban à éviter une faillite financière après des nouvelles alarmantes concernant un déficit public. Malheureusement le Liban n’a pas échappé à l’effondrement. En effet, depuis le 17 octobre 2019, date du début d’un vaste mouvement de contestation, le pays du Cèdre s’enfonce dans une crise sociopolitique et surtout à une crise économique et financière sans précédent. Ce qui justifie la mobilisation de la communauté internationale à son chevet. Hélas, l’impasse reste totale. L’initiative dans laquelle le Président français s’est impliqué de manière très personnelle, tourne en rond. Dans un courrier adressé la semaine dernière au Président libanais Michel Aoun, Emmanuel Macron lui disait qu’en l’état, la communauté internationale ne pouvait toujours pas aider le Liban si les hommes politiques ne s’engagent pas dans les réformes. A ce jour, le Liban est bloqué en partie à cause de cette même communauté internationale qui n’a pas la même appréciation de l’animation de la vie politique au Liban. Des sources concordantes indiquent que la formation du nouveau gouvernement est retardé jusqu’à la prestation de serment du nouveau président américain élu, Joe Biden. L’administration Trump n’a pas souhaité une forte présence de ministres issus du Hezbollah dans le nouveau cabinet libanais. Car pour Washington le Hezbollah est un mouvement terroriste. La France est moins catégorique au sujet du Hezbollah. 

Le Hezbollah (Parti de Dieu) est créé en 1982, pendant la guerre civile libanaise, à la suite de l’opération militaire israélienne baptisée, Paix en Galilée. Il s’est forgé plusieurs identités et incarné et incarne encore la résistance militaire contre Israël. Il s’est parfois substitué à l’État libanais en œuvrant pour les déshérités. Il est aussi un parti politique qui redonne sa fierté à la communauté chiite historiquement « marginalisée ». Il est le seul mouvement à ne pas être désarmé à la suite des accords de Taëf qui a mis fin à la guerre civile en 1989. La poursuite de la résistance contre Israël, la fin du communautarisme, la liberté de presse, la mise en place d’une politique sociale ainsi que le développement économique homogène de toutes les régions du Liban sont les points forts du programme du Hezbollah. Son réseau social et humanitaire mis en place tourne vers l’aide aux « déshérités », aux « faibles » et aux « familles des martyrs ». L’association al-Chahîd, qui signifie le martyr, est créée en 1982 à l’initiative de l’Iran et vient en aide aux familles des martyrs, par un soutien financier, des structures scolaires pour les enfants, des dispensaires dans la banlieue-sud de Beyrouth et dans le Sud Liban) et deux hôpitaux. Une autre association, Jihâd al-binâ, est créée en 1985, également à l’initiative iranienne et prend en charge la reconstruction des maisons touchées lors des bombardements israéliens. A cette activité de reconstruction s’ajoute la construction d’écoles et de centres de santé, la distribution d’eau potable dans la banlieue sud de Beyrouth, dans la Bekaa et dans le Sud Liban ainsi que la construction de centrales électriques. Seulement le financement de toutes ces associations et surtout celui de son armement proviendrait de l’Iran, de la zakât (c’est-à-dire de l’aumône religieuse), des dons des chiites libanais de l’étranger dont ceux d’Afrique, principalement d’Abidjan, Dakar, Abuja et Lagos. Alors que d’autres acteurs de la vie sociopolitique libanaise militent pour une identité libanaise dégagée de toute ingérence extérieure, le Hezbollah est accusé d’être un satellite du régime iranien au service d’une idéologie politico-religieuse. De retour du Vatican, où il a rencontré le pape François la semaine dernière, le patriarche maronite, Mgr Béchara Raï, a reçu un groupe d’étudiants en sciences politiques de l’Université Saint-Joseph (USJ) de Beyrouth. Il leur a expliqué sa vision de « la neutralité active » qu’il propose pour le Liban et qui, selon lui, n’est pas un concept mais une partie intégrante de l’identité libanaise : « Le Liban aux Libanais ».

« Face à l’impéritie des politiques, le monde au chevet du peuple libanais », titre en Une le quotidien francophone L’Orient-Le Jour, ce 3 décembre, au lendemain de la visioconférence de soutien à la population libanaise. De tous les temps les Libanais sont-ils le centre des préoccupations du monde ? A Beyrouth certains observateurs se montrent sceptiques. En vérité aujourd’hui : « Le Liban n’intéresse plus grand monde », reconnaît un journaliste. Il ajoute qu’il ne reste guère plus que : « La France, mais avec une condition : les fameuses réformes » de Macron. Parmi les conditions pour débloquer toute aide dont le Liban a besoin, figure un audit de la Banque centrale et des grandes institutions gangrénées par la corruption. Cela faisait partie de la « feuille de route » acceptée par les hommes politiques rencontrés par Macron lors des deux précédents voyages au Liban. Le président français est de nouveau annoncé à Beyrouth pour le courant du mois de décembre 2020. 

Pierre BOUBANE, 

à Beyrouth



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