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Ibou Dramé tire à boulets rouges et propose des solutions

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Docteur en philosophie-spécialité, philosophie africaine et poète à ses heures perdues, l’écrivain Ibou Dramé a fait un diagnostic sur la production littéraire. Sans langue de bois, le philosophe a remis en cause la qualité des écrivains, même s’il reconnaît quelques talents qui font exception à la règle. Cependant, l’auteur de «Les Merveilles de Ndao Jaalo» ne reconnait que les anciens littéraires. Par ailleurs, il a livré le secret concernant l’importance de la lecture.
 
La production littéraire au Sénégal laisse à désirer ! Ce sont les mots de l’éminent poète et Docteur en philosophie. Selon lui, le livre occupe une importance capitale, au-delà du voyage dans l’espace. Sur cet angle, s’appuyant sur les citations de René Descartes, il pense que c’est une façon de dialoguer avec les esprits éminents du passé. «Mais la lecture permet aussi à l’homme d’élargir sa vue sur la situation que la personne est en train de vivre. Donc, un lecteur est toujours quelqu’un qui a un capital intellectuel ou même culturel qui pourra vraiment lui permettre d’appréhender sa propre situation et celle de ses contemporains, mais aussi avoir la possibilité d’anticiper parfois sur beaucoup de choses.»
 
La crise de la lecture au Sénégal
 
Avec la technologie de l’information et de la communication, le monde a connu une transformation qui ne dit pas son nom. Ainsi, le professeur en philosophie estime que les gens, de nos jours, préfèrent leur téléphone portable, que le livre, la radio et la télévision. Les jeunes sont plutôt adeptes de surfer sur le net, faire le tour des pages people et sont plus concentrés sur les faits divers. «Je le dis à mes élèves. Il est rare de voir un élève prendre un livre, se concentrer pendant dix minutes sur la lecture. Il sera toujours diverti par un bruit, par une notification sur son smartphone. Maintenant, pour amener les gens vers les bibliothèques, il faut une politique de sensibilisation, mais aussi d’émulation saine. C’est-à-dire, quand on mettra des prix au niveau des bibliothèques, on aura des jeunes qui s’orientent vers la lecture», a-t-il laissé entendre, avant d’ajouter son grain de sel sur les gens qui organisent des séances de danse où des récompenses, données aux jeunes, alors que les bibliothèques sont là. Ainsi, le professeur a averti les gens que tout peuple qui veut assurer sa survie, en misant sur la jeunesse, doit vraiment miser sur le capital cognitif, c’est-à-dire sur la matière grise de cette jeunesse-là pour que la perpétuation du patrimoine culturel puisse être assurée et préservée.
 
Mohamed Mbougar Sarr, Diarry Sow, Diénaba Sarr, les exceptions
 
La crise de la production littéraire au Sénégal est visible dans la nouvelle génération.  Des livres publiés chaque jour dans les Maisons Éditions, la qualité laisse à désirer, selon l’éminent poète, qui pense que certains écrivains sont véritablement incroyables. Il cite Mohamed Mbougar Sarr, Diary Sow, Dienaba Sarr – qui a la plume de Mariam Ba – et notre regretté Aminata Sophie Dièye, connue sous le nom de Ndèye Takhawalou à travers ses chroniques. D’ailleurs, il avance que cette dernière est peut-être dans la classe de nos aînés, mais elle est un bel exemple pour cette jeune génération qui doit d’abord comprendre qu’avant de produire, il faut lire avant de donner, il faut d’abord recevoir. Ainsi, la solution pour lui simple est d’aller dans les bibliothèques et librairies, se cultiver pour pouvoir aller vers l’écriture.
 
Comparaison entre les jeunes talents et les anciens producteurs littéraires
 
Adepte de Cheikh Anta Diop, Léopold Sédar Senghor, Mariama Ba ou de Cheikh Hamidou Kane, l’écrivain n’a pas passé par quatre chemins avant de critiquer la nouvelle génération qui, selon ses dires, les livres sont nombreux, mais ils ne captent pas. «Les critiques littéraires appellent les pactes d’alliance où le contrat entre le lecteur et l’écrivain est souvent faussé depuis le début. Prenons l’exemple d' »Une si longue lettre » de Mariama Ba ; l’intitulé seulement donne envie d’aller jusqu’au bout. ‘’L’aventure ambiguë’’ aussi, en décrivant ne serait-ce que la vie de Samba Diallo qui a été frappé par Maître Thierno, non pas parce qu’il n’avait pas maitrisé la sourate qu’il devrait réciter ce jour-là, mais parce qu’il avait mal prononcé un mot, attire l’attention.» Et d’ajouter : «Ce qui fait qu’on s’engage vraiment à le lire. Aujourd’hui, dans certains livres, on ne comprend même pas où l’auteur veut conduire le lecteur.»
 
La bombe littéraire à la ruine de celle des matières scientifiques
 
Selon le professeur, on ne devrait pas faire la promotion de l’entrepreneuriat plutôt que de faire anthropologie, philosophie et histoire. D’ailleurs, il affirme qu’un bon historien, un bon philosophe ou sociologue  s’en sortira toujours. Il y a des débouchés aussi bien dans l’enseignement qu’ailleurs. Mais malheureusement, dit-il qu’on pense que le destin de quelqu’un qui fait l’histoire à l’université, c’est être dans les salles de classe dans les zones reculées. Alors qu’on peut être historien ou sociologue et travailler dans les organismes internationaux comme l’Unesco, les Nations Unies.
 
Dernièrement, se souvient-il que le département de Philo, par le biais de son club, avait organisé une activité ‘’Qui sont ces philosophes qui ne sont pas dans les classes’’. Pour montrer que le background culturel (dans les Lettres et Humanité) aide à être très à l’aise dans un monde professionnel où la technologie est mise en avant.
 
Le manque de professeurs de philosophie
 
A en croire à Ibou Sylla, qu’avec l’avènement d’Abdoulaye Wade, il y a eu beaucoup de collèges et lycées de proximité, alors que du temps de Senghor et même de Diouf, les lycées étaient dans les grandes villes. Et là, il n’y avait pas de problème de profs de philo. Aujourd’hui aussi, dans tout le pays, nous sommes quelque 17 millions de Sénégalais, mais il n’y a qu’un seul département de philosophie. On peut compter du bout des doigts ceux qui vont faire leurs études ailleurs et revenir servir au Sénégal.

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