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Série sur les «Poumons verts» de Dakar : Technopôle, ça ne tombe plus à pic (1/3) – Lequotidien

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Avec la frénésie constructive, Dakar est une ville bétonnée : il n’y a quasiment plus d’espaces verts dans une capitale fortement polluée. A travers une série de reportages et d’enquêtes, Le Quotidien «ausculte» les poumons verts de Dakar. Et leur «état» demande une sérieuse campagne pour la sauvegarde des écosystèmes de la capitale dans un contexte de changements climatiques. En attendant l’érection du Parc forestier de Yoff sur les terres de l’ancien aéroport Léopold Sédar Senghor.

Réserve du Technopôle : Un pôle d’emplois

Au-delà d’être une zone verte et humide à l’intérieur de la capitale, la zone du Technopôle, aujourd’hui Réserve naturelle urbaine des Niayes de Pikine et dépendances, est un véritable nid d’activités, une entreprise qui emploie pêcheurs, maraîchers, faucheurs d’herbes et autres. C’est aussi un lieu privilégié pour les touristes scolaires et les amoureux de la nature.

«Pas moins de 600 maraîchers, regroupés en association, travaillent dans la zone. Nous avons également des jardiniers, fleuristes, faucheurs d’herbes qui trouvent leur gagne-pain dans la réserve.» Ces propos de Lieutenant Abdoulaye Touré, conservateur de la Réserve naturelle des Niayes de Pikine et dépendances, montrent l’importance du Technopôle, situé au cœur de Pikine. Le maraîchage et la floriculture restent les principales activités pratiquées dans la réserve. A l’entrée du site, derrière le bâtiment de l’Agence de l’informatique de l’Etat, des plantes de salade et de menthe dansent sous les arbres. «C’est notre source de revenus. C’est pourquoi, chaque jour, on est là. On ne se plaint pas», déclare Baye. En réalité, ils se frottent bien les mains. Leurs revenus annuels sont estimés à plus de 3 millions de F Cfa.

Pôle d’emploi et site touristique
Il flotte un air frais de cette Réserve nationale lovée au cœur de la banlieue dakaroise. Sans doute beaucoup d’esprits vont se perdre en entendant cette appellation. Car ce nom n’est pas très familier aux riverains et Dakarois en général. On est au Technopôle, transformé depuis 2019 en réserve. En faisant remonter la machine du temps, il était destiné à devenir un parc technologique notamment réservé aux Tics.

Ce rêve s’est envolé depuis plus de 20 ans. Mais, les fleuristes, pêcheurs, maraîchers continuent à y trouver leur pain quotidien. Aux bords de la Route nationale n°1, après le pont de Pikine en partance pour Patte d’Oie, Saliou Faye est assis sur la barrière séparant la zone du Technopôle de la route.
«Propriétaire de trois parcelles de terre», il observe paisiblement son gazon, à peine sorti de terre. «C’est comme ça qu’on fait le gazon que vous voyez dans les maisons et autres espaces. La maturation du gazon peut prendre trois à quatre mois. Après, je peux vendre le mètre carré à 3000 F Cfa», explique-t-il. Jardinier et tailleur de fleurs, Saliou ne se limite pas à ces deux activités. Il déclare : «L’arrosage ne se fait pas chaque jour. Parfois, c’est par deux jours, voire trois. Souvent, des gens m’appellent chez eux pour que je fasse l’entretien de leurs fleurs et plantes. A cela, s’ajoutent les heures que je passe hors de la zone à la recherche d’autres boulots.» Même si ces derniers jours, voire ces derniers mois, la pêche est très maigre, Victor est «obligé» de venir chaque jour sur le site à la recherche du poisson. En cette matinée de lundi 19 décembre, ce vieux pêcheur est venu, comme à l’accoutumée, chercher de quoi nourrir la famille. Après quelques minutes passées à ajuster les mailles des filets, ils les jettent dans le lac dans l’espoir de ressortir quelque chose. Résultat, un poisson, un maigre poisson. Il justifie : «En ce moment, on est en période de fraîcheur. Donc, souvent, les poissons préfèrent se faufiler entre les typhas (herbes) plutôt que d’errer dans l’eau douce. Mais si c’était en période de chaleur, la pêche est très fructueuse, même si les poissons sont petits.» Les difficultés liées au secteur de la pêche dans la zone seraient, en partie, dues aux règles strictes de pêche mises en place dans la réserve. «Les pêcheurs utilisent deux types d’engin : l’épervier dans les zones moins profondes (0 à 1,50m) et le filet dormant dans les zones profondes (plus d’1,50m)», peut-on lire dans le Plan d’aménagement et de gestion de la réserve. Et le document d’ajouter : «Pour rallier les lieux de pêche plus profonds, ces pêcheurs, principalement des hommes, utilisent des pirogues non motorisées pouvant embarquer deux personnes ou des flottants composés de bois, bidon plastique…»

La Réserve du Technopôle est aussi un lieu de tourisme, notamment scolaire. Devant l’entrée principale du bâtiment abritant les bureaux du commandement de la réserve, des jeunes filles et garçons se regroupent, écoutant religieusement les explications d’un de leurs maîtres. Pensionnaires de Seydou Nourou Tall ou de Limamou Laye de Guédiawaye pour certains, ils sont des centaines à venir, ce jour-là, visiter les lieux dans le cadre des sorties pédagogiques organisées, chaque année, par les administrations des écoles. En tant que milieu de repos et de reproduction pour les oiseaux, la réserve reçoit également des étudiants des différentes universités et écoles de formation évoluant dans les domaines de l’ornithologie pour l’étude et l’observation des espèces d’oiseaux.

Valorisation et cogestion du site
Erigée en réserve naturelle en 2019, par un décret présidentiel, la préservation de la zone du Technopôle est une équation que l’Etat ne peut pas résoudre seul. Pour ce faire, un plan d’aménagement et de gestion (Pag) est mis en place en novembre 2022, pour permettre une cogestion du site par l’Etat et les collectivités. «C’est un tableau de bord de toutes les activités prévues dans la réserve entre 2022 et 2026. C’est un plan qui a été élaboré de façon inclusive et participative avec les populations. En collaboration avec l’autorité que nous sommes, ces populations ont mis en place ce Pag.» Dans ce document, il est prévu la valorisation du site par la mise en place d’infrastructures adaptées à la préservation de l’environnement écosystémique. Lieutenant Abdoulaye Touré : «La zone du Technopôle est désormais une Réserve urbaine. Ce qui veut dire qu’il faut la valoriser et l’adapter à la ville, tout en gardant son caractère naturel. Autrement dit, il faut construire des infrastructures adaptées comme des restaurants écologiques, des parcs sportifs accueillants où les gens pourront venir, payer des tickets, visiter, observer les oiseaux, voir la flore… Mais tout cela est prévu dans le Pag.» Ces projets, énumérés dans le Plan d’aménagement, ne se heurteraient-ils pas au manque de moyens financiers ou de volonté politique ? Rien n’est plus sûr.

Par Alpha SYLLA (Stagiaire)

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